23 février 2010

Voyage vers la douleur

(en musique)


Tout semble suspendu

Comme le temps s'est arrêté sur l'horloge crasseuse frémit son empreinte déshumaine aux minutes écaillées.
Les éoliennes agitent la plaine poussant vainement du doigt la grande aiguille. Au travers des vitres marquées, elles qui ont laissé dans leur transparence mille histoires s'y inscrire, le regard s'égare, plein de l'intérieur, vers le flou du voyage. Le chemin de fer fait glisser sur sa route le train déraillé des idéaux, des émigrants, des isolés. Il y a de ce cil ce petit sentiment qui veut se décrocher, parler parfois ne dit rien, et les murs n'entendent pas. Le ciel a des nuages à dévaler, et les mirages se multiplient dans le prisme des larmes.

Les listes s'opèrent (abdiquer les escaliers rouges, la cervelle de dix heures. Porter les bas en haut-le-cœur, franchir le passage du désir. Se tenir sur le fil).

En bordure de la lèvre palpitent les amertumes, la gueule entre deux gares boîte en direction de l'avant, de la première fois. Les langues se délient, déclarent sur le quai, les bras se tendent, rencontrent le vide mordant, et les portes se resserrent sur l'attente. Le soleil a mis une nuit à se lever ce matin, le départ l'a tu. La rumeur de la cendre se dissipe dans le défilé trouble des troncs dénudés. Alors apparaissent les horizons, archivant les ombres.


La douleur arrêt momentané.




un regard de nat*dia



7 février 2010

Ferita

(en musique, forte)


Il s’étend. La peau arrachée, le front sur le carrelage, et dégueulant une partie de son âme. La mort violente de son élan le déporte et crache sur le rêve ; au dehors l’automne dépècera bientôt des ossatures les souvenirs heureux. L’enflure du cœur, annonciation du pire de la déchirure émergente qui ne tient plus qu’à son fils. Les nuits éternelles dans le lit bordé d’injures de blancheur sournoise de déliquescence de l’espérance de désirs mortifères. Les jours qui n’en sont plus, avec le deuil ils ont la face obscène, ils devraient se couvrir, avoir la pudeur. Ici on n’avance plus on rampe. Le palpitant martèle son antienne sans objet, tenant l’homme debout face à son champ d’impossible. Devant le vide, derrière le saccage. Ce qui naît de la désillusion a des allures de misère. Et cette plaie qui s’écoule et inonde lui sort par les yeux, l’enterre. Ici on n’avance plus on rampe.

Il se ramasse. La peau déchirée, la pupille décharnée, et du passé béant sourdent les espérances. Vanité ; en dedans le déclin charognard dissèquera silencieusement les souvenirs heureux, exsangues dans leur létalité sordide. Bâillonne ta gueule mémoire qui morcelle la résilience ! Car ici on n’avance plus, on rampe. Il voudrait retourner le lourd manteau de l’irrévocabilité, l’incruster de desiderata inassouvis. Mais seul parmi les autres, il doit se rendre. A l’évidence, à l’absolu épousant la ruine. Le mirage se dissipe aux lueurs desserties d’un crépuscule finissant.

Il se relève. La peau brûlée, le poing orné de fiel défoncé d’éclats de verre, et ces débris se hérissent, couronnant Némésis. La haine qu’engendrent les murs de la douleur et du désespoir s’invite dans son lit, psalmodiant son infect angélus ; partout dedans dehors au fond en lambeaux les souvenirs heureux se décomposent. Il entend, entre en prière corrompue... De ses mains il aimerait la faire crever, la femme qui a tissé un morceau de vie avec lui. Et ses idées crasses il les essuie entre les cuisses de passantes, et abat sa vie sous un bloc de granit. Il s’accroche aux monceaux de chair, et creuse les mots d’amour jusqu’à la moelle, à les rendre ineptes. Et se fait laid. Donner un sens à ce qui n’en a pas, s’envisager immonde, la blessure il faut la mériter. Ici on n’avance plus on rampe. Il se conjugue au conditionnel, l’inconstance est sa compagne. Marcher droit dans l’immobilité tombale, comment ?! Alors la soif de sinuosité l’emporte, se glisse avec morgue dans les restes défigurés du désir d’être, d’éprouver. Le sein de l’amour ne peut allaiter la foi gangrenée - ou finira au fond de sa gamelle. Oui, ici on n’avance plus... on rampe.

(et pourtant, le cœur bat)