28 juin 2010

Rue des deux gares

(en musique)



La porte s'ouvre. Sous le poids de l'intrusion le plancher frissonne, s'éveille enfin déclarant les ans qu'il a portés. On sent dans ses gémissements la vie qui lui a passé sur le corps, les paysages historiques. L'appartement se dévoile, son âme vous saisit. Avancez... dans le couloir rouge aux fauteuils de velours exilés d'un théâtre, drapés d'ambre charnel... Place numéro 15. La lumière en crue sur le passant s'improvise diva, et apprête le soleil en partitions délicates. Le regard s'attarde, la licence ici a les faveurs de l'abondance. Chaque pièce introduit ses confessions, emporte loin là-haut, où se cachent les mémoires... Jusque dans les perspectives, les toiles d'araignées depuis longtemps dévastées ont emprisonné les empreintes des hôtes, tandis que des femmes accrochées aux murs fument en sépia, parmi les mots d'autres, l'amour qui s'interroge, et les violonistes. La tête dérive, le carmin murmure. Les livres gardent les moutons. Les archets en étalage. Au fond à droite... la chambre de coton, comme le jour gravite, satellite des pensées érotiques, sous les draps et les matelas superposés s'immiscent les rémanences des peaux vacillantes, les mains âpres éprises et les songes absurdes voyages au long cours... Solitude - bienvenue. La nuit passera sur les tapisseries et les illusions, le bois redira son discours, le café et les épices extrairont la peau briochée des bruissements de lin... enfin... les quatuors joueront dans le salon, rue des deux gares...




Sténopé entre deux gares par nikø